La transaction, mode alternatif de règlement des litiges entre employeur et salariés

L’intérêt de négocier une transaction

L’un des premiers réflexes pour le salarié en conflit avec son employeur est de penser à l’assigner en justice pour faire valoir ses droits et obtenir une indemnisation du préjudice subi.

Tel est le cas notamment des salariés cadres comme non cadres qui estiment avoir subi un préjudice en raison des manquements commis par leur employeur tant pendant l’exécution de leur contrat de travail que lors de la rupture de celui-ci.

Si l’action prud’homale est parfaitement possible sous réserve de respecter les délais de prescription, ce n’est toutefois pas toujours la voie la plus favorable pour les salariés.

La procédure prud’homale présente certains inconvénients dont chaque client doit avoir conscience :

  • La procédure représente un certain coût financier (honoraires d’avocat, huissier);
  • La procédure est très longue (entre un et deux ans devant le Conseil de prud’hommes de Nantes), ce qui représente un coût émotionnel ;
  • La procédure est aléatoire et l’avocat ne peut absolument pas garantir le résultat d’un jugement rendu par les conseillers prud’homaux.

La négociation permet d’éviter d’intenter cette action prud’homale coûteuse, longue et incertaine tout en permettant au salarié de bénéficier d’une indemnisation en contrepartie du préjudice qu’il estime avoir subi.

La conclusion d’une transaction a l’avantage d’être plus rapide et de permettre au salarié de bénéficier d’une indemnité transactionnelle là où l’action prud’homale ne garantit pas de bénéficier de dommages et intérêts.

A noter que la conclusion d’une transaction ne constitue pas une obligation, que ce soit pour l’employeur ou pour le salarié.

Ainsi, tout le processus de négociation repose sur la volonté de transiger de l’une et l’autre des parties et nul ne peut forcer cette volonté.

Devant le Conseil de prud’hommes, il existe une phase préalable et obligatoire dans le but de favoriser la conciliation des parties : l’audience de conciliation.

L’audience de conciliation porte néanmoins mal son nom : dans plus de 96 % des cas aucune conciliation n’est trouvée lors de cette audience.

La pratique démontre que si un accord transactionnel doit intervenir entre les parties, celui-ci est souvent trouvé entre les parties en dehors de l’audience de conciliation.

Plus précisément souvent entre l’audience de conciliation et l’audience de plaidoirie.

En effet, les parties ont l’obligation de participer à cette audience de conciliation, elles n’ont néanmoins absolument pas l’obligation de concilier.

La transaction recherchée par les parties doit, avant tout, pour être juridiquement valable, obéir à certaines conditions à peine de nullité.

Les conditions de validité de la transaction

L’article 2044 du Code civil définit la transaction comme suit :

« La transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.
Ce contrat doit être rédigé par écrit ».

Premièrement, la transaction est un contrat. Comme tout contrat, la transaction est soumise aux conditions générales de validité des contrats contenues dans l’article 1128 du Code civil.

Ainsi, la transaction doit être conclue avec le consentement libre et éclairé des parties, entre des parties qui ont la capacité de contracter et son contenu doit être licite et certain.

A défaut, la transaction est nulle.

Sur la capacité de transiger, l’article 2045 du Code civil dispose que, pour avoir la capacité de transiger, il faut avoir la capacité de disposer des objets compris dans la transaction.

Deuxièmement, la transaction doit faire l’objet d’un contrat écrit. Cependant, selon la Cour de cassation, l’exigence d’écrit n’est pas une condition de validité de la transaction, l’écrit n’est exigé que pour la preuve (Cass. soc., 29 février 1984, n°81-42.623 ; Cass. soc., 9 février 1996, n°93-42.254).

Le contenu de la transaction écrite doit être non-équivoque et il est conseillé, pour éviter toute contestation, de prévoir notamment les mentions suivantes :

  • Le rappel des faits à l’origine du litige
  • Les étapes de la rupture du contrat de travail
  • L’existence du litige : sur ce point il convient d’être très vigilant en indiquant avec précision la nature et l’étendue du différend qui oppose les parties dans la mesure où l’article 2049 du Code civil dispose que « les transactions ne règlent que les différends qui s’y trouvent compris »
  • Les prétentions respectives des parties
  • Les concessions réciproques des parties
  • La volonté des parties de mettre fin au litige
  • Les informations sur le régime de la transaction

A noter que l’accord transactionnel doit être signé par l’employeur et par le salarié.

Troisièmement, il existe une condition de litige né ou à naître. Cela signifie qu’il doit exister, au moment de la conclusion de la transaction, un différend entre l’employeur et le salarié, ce différend pouvant porter tant sur l’exécution que sur la rupture du contrat de travail.

Chacune des parties doit se prévaloir de griefs à l’encontre de l’autre partie et il appartiendra au juge de vérifier l’existence d’un réel litige (Cass. soc., 22 juin 1997, n°75-40.679).

Le différend doit apparaître clairement et expressément dans le corps même de l’accord transactionnel au sein duquel il sera précisé les griefs de chacune des parties.

Classiquement, le salarié expose les éléments qu’il reproche à son employeur et qui peuvent porter sur l’exécution ou la rupture de son contrat de travail. En réponse, l’employeur conteste les éléments reprochés par le salarié et ajoute les griefs qu’il reproche à ce dernier.

Il s’agit donc d’un point non négligeable d’un point de vue psychologique : le salarié n’obtiendra pas de reconnaissance expresse des manquements de l’employeur par ce dernier dans le cadre d’une transaction.

Quatrièmement, chacune des parties, employeur et salarié, doit accepter de faire des concessions réciproques dans le but d’éteindre le litige né ou de prévenir du litige à naître.

La jurisprudence fixe des conditions de validité de ces concessions :

  • Elles doivent être suffisantes : les concessions ne doivent pas être dérisoires sous peine d’invalider la transaction. En revanche, la jurisprudence n’exige pas que les concessions soient équivalentes.
  • Elles doivent être effectives : la notion de concession implique qu’une partie renonce à une ou plusieurs choses. La concession doit donc être existante. A titre d’exemple, il a été jugé que la dispense de préavis n’était pas une concession quand l’employeur ne versait pas l’indemnité compensatrice de préavis (Cass. soc., 23 avril 1997, n°94-40.349).

A noter que ces conditions de validité s’apprécient au moment où la transaction est conclue (Cass. Soc. 27 mars 1996, n°92-40.448 ; Cass. soc., 15 nov. 2007, n° 06-42.305)

Classiquement, les concessions de l’employeur consistent en le versement d’une indemnité transactionnelle au profit du salarié.

De son côté, le salarié s’engage à n’intenter aucune action de quelque nature que ce soit contre son employeur et, le cas échéant, à se désister de l’action en cours s’il avait intenté une action avant de conclure la transaction.

Cinquièmement, il existe une exigence de temporalité : la transaction ne peut être conclue que postérieurement à la rupture définitive du contrat de travail (Cass. soc., 29 mai 1996, n°92-45.115 ; Cass. soc., 4 janvier 2000, n°97-41.591).

Selon une jurisprudence constante, la transaction conclue avant la notification de la rupture du contrat de travail est nulle (Cass. soc., 25 septembre 2013, n°12-21. 577 ; Cass. soc., 12 février 2020, n°18-19. 149).

Cela signifie que la transaction ne vaut pas rupture du contrat de travail et doit faire suite à un mode de rupture du contrat de travail tel qu’un licenciement, une démission, un départ à la retraite ou encore une rupture conventionnelle.

Un focus sur la distinction entre transaction et rupture conventionnelle est à faire dans la mesure où il existe souvent une confusion entre les deux dans l’esprit de certains salariés.

Une rupture conventionnelle n’est pas une transaction. C’est un mode de rupture du contrat de travail qui peut éventuellement être suivi d’une transaction.

Il est à noter par ailleurs que le fait d’engager une action prud’homale n’est pas rédhibitoire pour transiger.

Il est en effet tout à fait possible de conclure une transaction au cours d’une instance, après l’engagement d’une procédure.

Dans ce cas, si une transaction est signée, l’une des concessions du salarié est de se désister de l’instance en cours.

Les effets de la transaction 

La transaction a autorité de chose jugée en dernier ressort.

En effet, l’article 2052 du Code civil dispose que « la transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet ».

A noter cependant que la renonciation ne se présume pas, elle doit résulter d’une volonté claire et non équivoque : dans le cadre de la transaction, le salarié doit avoir renoncé de manière ferme et définitive à effectuer toute réclamation de quelque nature que ce soit (Cass., Ass. Plén. 4 juillet 1997, n°93-43.375).

Ainsi, si le salarié ou l’employeur intente, postérieurement à la conclusion d’une transaction, une action en justice sur un litige purgé par la transaction, il se heurtera à une fin de non-recevoir.

En effet, le juge ne peut trancher un différend que la transaction a pour objet de purger (Cass. soc., 21 mai 1997,n°95-45.038).

En revanche, rien ne s’oppose à ce que le juge soit saisi d’un litige autre que celui purgé par la transaction.

Cette impossibilité d’action est subordonnée à la validité de la transaction : la nullité de la transaction a pour conséquence de permettre une liberté d’action des parties dans la mesure où la transaction est réputée n’avoir jamais existé.

Quid si une des parties à la transaction ne respecte pas les dispositions de la transaction ?

Outre la fin de non-recevoir qui serait opposée en cas d’action portant sur un litige purgé par la transaction, plusieurs voies sont ouvertes en cas d’inexécution de la transaction en application des dispositions de l’article 1217 du Code civil.

La première est l’exécution forcée envisagée par les articles 1217 et 1124 et suivants du Code civil.

La seconde possibilité est de solliciter la résolution judiciaire de la transaction (articles 1217 et 1221 du Code civil), ce qui a pour conséquence de placer les parties dans la situation juridique où elles se trouvaient avant de conclure la transaction (Cass. soc., 13 janvier 1993, n°88-43.088).

La troisième possibilité est de solliciter la condamnation de la partie défaillante au paiement de dommages et intérêts en réparation de l’inexécution de la transaction.

Sur ce point, les parties ont la possibilité d’anticiper l’inexécution de la transaction au sein de celle-ci en intégrant une clause pénale qui fixe le montant de dommages et intérêt qui sera alloué à l’autre si l’une des parties n’exécute pas la transaction.

En cas de litige relative à la transaction signée entre un employeur et un salarié, la juridiction compétente est le Conseil de prud’hommes dans la mesure où la transaction se rattache à la rupture du contrat de travail.

Ainsi le Conseil de prud’hommes est compétent pour statuer sur l’annulation de la transaction (Cass. soc., 9 février 1989, n°84-40.676), sur la résolution de la transaction (Cass. soc., 30 janvier 1991, n°87-44.246) ou sur l’indemnisation en réparation de la violation de la transaction (Cass. com., 15 novembre 2011, n°10-26.028).

L’avocat, partenaire majeur dans le cadre du processus de négociation 

L’intérêt de solliciter les services d’un avocat dans le cadre d’un processus de négociation est majeur pour les parties, que ce soit pour l’employeur ou pour le salarié.

Premièrement, il convient de rappeler que l’avocat peut être habilité à négocier pour le compte de son client en application de l’article 8.2 du Règlement Intérieur National (RIN) recensant les règles déontologiques applicables à la profession d’avocat.

De la même manière, l’article 6.2 du RIN dispose que l’avocat « peut recevoir mandat de négocier, d’agir et de signer au nom et pour le compte de son client. Un tel mandat doit être spécifique et ne peut en conséquence avoir un caractère général ».

Ainsi, le client employeur ou salarié peut mandater son avocat afin de négocier avec la partie adverse.

Les avantages de solliciter les services d’un avocat pour parvenir à la signature d’un protocole transactionnel sont multiples.

En premier lieu, l’avocat dispose des connaissances juridiques du régime de la transaction afin de s’assurer de sa validité juridique.
L’avocat peut avoir certaines qualités de négociation ce qui peut permettre d’aboutir à un résultat plus avantageux pour son client qu’une action prud’homale où l’aléa est très fort.

L’avocat a également une obligation d’information et de conseil qui le conduira à indiquer à son client si la proposition transactionnelle effectuée par la partie adverse revêt ou non un caractère sérieux.

Le processus de négociation étant incertain dans la mesure où il repose sur la seule volonté des parties, celui-ci peut être extrêmement stressant pour les clients.

La présence d’un avocat peut permettre de sécuriser un client et de le soulager émotionnellement.

Surtout, il existe un avantage à ce que le salarié et l’employeur recourent aux services d’avocats dans le cadre d’un processus de négociation d’un accord transactionnel en vue de régler un litige existant.

Employeur et salarié ne traiteront pas directement ensemble, les négociations seront effectuées au moyen d’échanges entre avocats.

Ceci est peut être la clé de la réussite du processus de négociation.

En effet, le salarié et l’employeur étant en conflit, il y a fort à parier que les échanges entre eux empreints d’émotions comme la colère, le sentiment d’injustice ou la frustration ne seraient pas constructifs pour parvenir à la signature d’un accord transactionnel dans la mesure où chaque partie éprouve un fort sentiment d’animosité envers l’autre.

Les avocats quant à eux sont extérieurs au litige et ne sont donc pas guidés par leurs émotions.

Cette position extérieure des avocats est un atout majeur pour permettre le bon déroulement des négociations.

Surtout, tous les échanges entre les avocats relatifs à la négociation du protocole transactionnel sont couverts par le secret professionnel et plus précisément le secret des correspondances.

En effet, l’article 3.1 du RIN dispose que :
« Tous les échanges entre avocats, verbaux ou écrits quel qu’en soit le support (papier, télécopie, voie électronique…), sont par nature confidentiels.
Les correspondances entre avocats, quel qu’en soit le support, ne peuvent en aucun cas être produites en justice, ni faire l’objet d’une levée de confidentialité ».

Ainsi, le fait de recourir à un avocat représente un intérêt majeur pour l’employeur et pour le salarié : tous les échanges entre les avocats respectifs seront couverts par le secret des correspondances et ne pourront être produits en justice.

Ainsi, les clients n’ont pas à craindre que les éléments échangés qui leur sont défavorables soient produits en justice dans l’hypothèse où la transaction n’aboutirait pas.

En l’absence d’avocats, les échanges entre le salarié et l’employeur ne sont pas couverts par un quelconque secret et peuvent tout à fait être produits en justice, ce qui est source d’insécurité pour l’une et l’autre des parties dans la mesure où l’aboutissement du processus de négociation n’est pas garanti.

En pratique, l’on constate que la présence d’un avocat en droit du travail permet souvent d’aboutir à un accord transactionnel mettant fin au litige et libérant ainsi le salarié d’une situation qui lui semble inextricable.

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