1) Des agissements répétés
Un agissement isolé, aussi grave soit-il, ne permettra pas de caractériser une situation de harcèlement moral, faute de répétition. Le harcèlement moral ne pourra être retenu que si le salarié est victime de plusieurs agissements, la jurisprudence exigeant une conjonction et une répétition de faits. En revanche, il n’est pas exigé que la période du harcèlement soit longue. Il a par exemple été jugé que des agissements répétés caractérisaient une situation de harcèlement moral même s’ils ont duré moins d’un mois. Il n’est pas non plus exigé que les agissements interviennent à des intervalles rapprochés et des faits peuvent faire présumer l’existence d’un harcèlement même s’ils sont espacés dans le temps de deux années.
Le code du travail n’envisage pas les différents agissements susceptibles de caractériser une situation de harcèlement moral et les juges procèdent à une appréciation in concreto en fonction de chaque cas d’espèce. Ainsi, la jurisprudence établit, au gré des décisions, des agissements répétés caractérisant une situation de harcèlement moral.
A titre d’exemple, les juges ont considéré que pouvaient participer à une situation de harcèlement moral :
- Une mise à l’écart (par exemple avec un isolement des autres salariés)
- Une diminution des responsabilités ou au contraire une surcharge de travail
- Des modifications du contrat de travail
- Un dénigrement du travail effectué
- Des sanctions disciplinaires injustifiées
- Des agressions verbales
- Des humiliations
- Des pressions
- Un refus de fournir du travail au salarié
- La fixation d’objectifs inatteignables
- Des changements intempestifs d’emploi du temps
- Un changement soudain et injustifié du lieu de travail
- Des refus injustifiés d’accorder des congés
- Des ordres contradictoires
- Etc.
L’auteur du harcèlement moral peut être un collègue mais également un supérieur hiérarchique. La jurisprudence a ainsi fait émerger la notion de harcèlement managérial : « Les méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique peuvent caractériser un harcèlement moral dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale, de compromettre son avenir professionnel ».
La liste susvisée n’est pas exhaustive et une situation de harcèlement moral peut être constituée d’une multitude d’agissements, l’essentiel étant que les agissements soient répétés et qu’ils produisent certains effets.
2) Une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits, à la dignité, à la santé ou à la carrière du salarié
La seule présence d’agissements répétés n’est pas suffisante pour caractériser une situation de harcèlement moral.
Pour qualifier le harcèlement moral, le code du travail se fonde essentiellement sur les conséquences des agissements sur les conditions de travail de la victime.
Précisément, le code exige que les agissements répétés aient pour objet (intention de nuire) ou pour effet (absence d’intention de nuire) une dégradation des conditions de travail susceptible de :
Par exemple, l’altération de la santé pourra être caractérisée par la production :
- De certificats médicaux attestant de l’état dépressif ou d’une souffrance sur le lieu de travail
- De certificats médicaux dans lesquels les praticiens reprennent les dires de leur patient sur les origines des troubles
La compromission de l’avenir professionnel pourra par exemple être retenue en cas de rétrogradation, de pertes de responsabilités ou si le salarié a été contraint de quitter l’entreprise.
A noter que les trois éléments susvisés sont alternatifs :
« Ainsi, à partir du moment où les juges constatent une altération de la santé de la victime, ils n’ont pas à rechercher si la dégradation des conditions de travail portait cumulativement atteinte à ses droits et à sa dignité ».
Le texte parle d’une dégradation des conditions de travail « susceptible » de porter atteinte aux droits, à la dignité, à la santé ou à la carrière. Il n’est donc pas nécessaire de rapporter la preuve d’un dommage avéré. Dès lors que les conditions du harcèlement moral sont remplies, l’absence d’intention de nuire de l’auteur du harcèlement n’est pas une cause d’exonération de responsabilité…
… Pas plus que la bonne foi de l’employeur.